Manger et donner à manger : Euglypha
En collaboration avec Stéphane Bazot, Claire Damesin, Ludwig Jardillier, Gaëlle Vincent – laboratoire ESE
Les Euglypha sont des micro-organismes eucaryotes, invisibles à l’œil nu, qui peuplent les mares, les sols, les mousses. Leur carapace, composée de minuscules écailles en silice disposées avec une régularité géométrique, en fait des formes d'une étonnante beauté.
Je les ai choisis comme figures symboliques des microbiotes qui habitent les milieux traversés par 2km4 : eaux stagnantes, terres acides, plantes sauvages… mais aussi les corps humains.
Nous sommes tous des écosystèmes en mouvement, porteurs de bactéries, de protistes, de micro-champignons.
Alors, quelles communautés invisibles nous constituent ? Quels flux organiques nous traversent ?
Inspiré par le principe de One Health – qui affirme l’interdépendance entre la santé des milieux et celle des êtres vivants –, Euglypha propose une série d’installations où l’art agit comme relais poétique de la recherche scientifique. Il s’agit d’apprendre à connaître pour mieux prendre soin, et d’imaginer des gestes de coexistence. D’agir comme des symbiontes conscients, attentifs aux milieux que nous habitons et modifions.
Laboratoire vivant
En collaboration avec Gaëlle Vincent, ingénieure de recherche à l’ESE, des analyses MicroResp™ sont menées sur des échantillons de sols prélevés à quatre stations du parcours 2km4.
Cette méthode permet de mesurer la respiration microbienne – c’est-à-dire l’activité métabolique – sans mise en culture, en quantifiant le CO? émis. Elle sera également appliquée à des plantes, des arbres, et aux eaux du site, dans une démarche expérimentale où la méthode est détournée de son usage premier.
Ces profils respiratoires rendent visibles les dynamiques invisibles des sols et soulignent la diversité fonctionnelle de la vie microscopique.
Projet artistique : Nourrir / Se nourrir
Nourrir
Une sculpture d’Euglypha, agrandie, a été moulée puis déclinée en quatre biomatériaux biodégradables : sciure de bois, paille de culture de pleurotes, marc de café, sucre.
Ces formes ont été enterrées fin mai 2025 sur un terrain de l’INRAe, derrière l’IDEEV – comme une offrande au sol, un geste de don.
À l’automne, elles seront déterrées et comparées à des témoins non enterrés.
Que restera-t-il ? Que nous disent ces métabolismes lents de la transformation ?
Manger le paysage – performance culinaire
Des échantillons de terre issus de trois stations ont été stérilisés, puis intégrés à la pâte de scones épicés.
Un geste inspiré d’un rituel ancien, où l’on consommait des biscuits contenant de la terre de Compostelle. Manger symboliquement la terre, pour y prêter attention.
Les scones sont accompagnés de beurres parfumés, obtenus par enfleurage (technique d’extraction des odeurs par matières grasses), évoquant trois milieux végétaux distincts : une pelouse (graminées, plantain, pâquerettes), un sous-bois (litière de chênes et châtaigniers), une zone humide (consoude).
Au fil du parcours, les visiteurs sont invités à goûter ces bouchées en forme de gouttes, à faire l’expérience d’un paysage à travers l’odorat et le goût.
En projet : filtrer et boire les eaux de trois sources locales – le drain de l’IDEEV, la mare forestière, et la rivière Yvette – à l’aide de systèmes de purification.
Un geste sensible de réappropriation du paysage par le corps, par l’ingestion.