Une première fois le matin au petit déjeuner, une deuxième à midi, et le soir au dîner, sans parler du goûter de 16h et du snack de 11h. S’alimenter, activité récurrente qui nous occupe au moins trois fois par jour. Triviale et essentielle, l’alimentation nous relie à la terre et nous relie aux autres. Comment ne pas s’étonner devant la magie de cette opération qui transforme en nous, fruits, légumes, viandes, poissons et barres chocolatées en sang, lymphe, chair, en énergie, en intelligence ?
Question fondatrice : qu’est-ce qu’un aliment ? Avant tout, c’est un objet que l’on considère comme mangeable. Aurélie Mathigot nous montre les limites de cette appréciation. Ses oeuvres au crochet prennent le contre-pied de cette idée reçue qui veut que ce qui est beau est forcément bon et, dans le cas précis de la nourriture, comestible.
Envisageant avec poésie la relation entre la santé et l’aliment, Magali Babin change l’eau en vin et transforme le vin en remède. Déplaçant les frontières des questions de santé de l’homme à la ville, elle intervient en médecin recalcifiant un mur, soignant les blessures citadines avec des pastillages sucrés.
L’alimentation comme entrée d’une représentation sociétale : Florentine Guedon invente des outils qui racontent une histoire aigre-douce de relations humaines dans l’agriculture. Les films de Pauline Horovitz décrivent avec un humour grinçant l’impact de la culture familiale sur ses habitudes alimentaires et explique les choix idéologiques du mangeur, végétarisme, bio, etc.
Entre documentaire et fiction, les recherches de Karine Bonneval, sur l’exotisme et l’acclimatation des végétauxmontrent les décalages et l’hypocrisie de notre culture alimentaire.
Michel Le Brun-Franzaroli suggère dans ses peintures que la peur de manquer est passée du côté des politiques agricoles.
Enfin, l’alimentation est une affaire de goût et de plaisir ce qui est la préoccupation du design culinaire de Marc Bretillot. Il cherche une relation entre la forme et le goût et présente, pour le Parcours Contemporain, un travail sur le fromage. Ce que les choses révèlent en négatif l’aident à comprendre comment se comporte la matière à la cuisson, quelle est l’influence des trous du gruyère sur le goût ? Les recherches du designer apportent un éclairage étonnant sur les métiers du goût.
La nouveauté de cette édition du Parcours Contemporain est de provoquer un aller-retour entre les arts et les sciences sociales. Aux propositions des artistes, un géographe de l’alimentation, Gilles Fumey, apporte un commentaire scientifique pour situer les oeuvres dans le contexte des sciences sociales. La diversité de ces propositions et l’ouverture pluridisciplinaire du Parcours témoignent de la richesse de la pensée contemporaine et rétablit de façon simple les correspondances entre chacune de ces disciplines : design, arts-plastiques, cinéma-documentaire et sciences sociales.