aramu /ikiamia
Protocoles de cohabitation pour s’apprivoiser

Résidence à la Maison Composer en collaboration avec Zoltan Babos, cultivateur de champignons / les champs potes

John Cage, était, on le sait peu, un grand amateur et chercheur de champignons.
Il écrit en 1976 dans Pour les oiseaux ; entretiens avec Daniel Charles (p 216) « Ce que j’essaie de réaliser dans mon domaine : une musique qui soit écologique. Une musique qui permette d’habiter le monde [...] Le monde dans son entier, et non pas des fragments séparés, des parties du monde. Le monde enfin pensé en ce qu’il est. [...] Nous devons accepter l’idée de l’humanité comme résidant dans un village global. [...] J’essaie d’indiquer une écoute pour cette nouvelle habitation du monde [...] »

aramu/ ikiamia
Les notions de sauvage et domestique sont remises en question par l’anthropologie contemporaine.
« Aramu, chez les Achuar, qualifie les plantes manipulées par l'homme et s'applique aussi bien aux espèces domestiquées qu'à celles qui sont simplement acclimatées. Aramu ne dénote donc pas les « plantes domestiquées » ; elle renvoie à la relation particulière qui se tisse dans les jardins entre les humains et les plantes, quelle que soit l'origine de ces dernières. Le qualificatif ikiamia n'est pas non plus un équivalent de « sauvage », d'abord parce qu'une plante peut perdre ce prédicat selon le contexte où on la trouve, mais aussi et surtout parce que, en vérité, les plantes « de la forêt » sont également cultivées. Elles le sont par un esprit du nom de Shakaim que les Achuar se représentent comme le jardinier attitré de la forêt et dont ils sollicitent la bienveillance et le conseil avant d'ouvrir un nouvel essart. Le couple terminologique aramu / Ikiamia ne recouvre donc aucunement une opposition entre domestique et sauvage, mais le contraste entre les plantes cultivées par les hommes et celles qui le sont par les esprits.»
Descola Philippe. Le sauvage et le domestique. In: Communications, 76, 2004. Nouvelles figures du sauvage. pp. 17-39

Après une première visite chez Zoltan Babos, cultivateur de champignons en Puysaye, l’idée du projet est basée sur une double dualité, prendre - donner /qui est domestique, qui est sauvage ? Comment trouver de nouvelles civilités avec les fungi ? 
La résidence a permis d'établir deux protocoles sur le temps long, deux installations sonores ;  un film en collaboration avec Marc Plas.

Protocole Branches
Dans les deux salles de cultures (shiitaké / pleurotte), une enceinte diffuse en continu la pièce de John Cage "branches". Après deux mois, une des enceintes, à cause de l'humidité ambiante a cessé de fonctionner. Pour la plus grande joie de Zoltan Babos qui trouvait ce son dérangeant, et les shiitake poussaient mal. En revanche, le même son dans la salle "pleurottes" ne dérange pas le cultivateur. Le sons dans la salle des shiitake a été remplacé par un enregistrement de chants d'oiseaux au printemps.

Protocole de remise en liberté
Dans la prairie de la Maison Composer, deux colonnes de blocs de cultures de champignons évoluent librement, dans un tentative de  « remise en liberté » , d'« ensauvagement » . Ces volumes de paille, sciure, nutriments et mycelium, une fois exploités pour notre consommation, et même si ils contiennent encore un peu de mycélium bien vivant, ne sont plus utilisés pour la culture de champignons. 

Casques d'écoutes
Le champignon hydre hérisson  ou Héricium erinaceus , est cité dans  le « Compendium of materia medica » (Shen Norg Ben Cao Jin, ouvrage de la médecine chinoise) de la dynastie Han (200-100 av-JC). Il est recommandé dès cette époque pour soulager les maux d’estomac, comme reconstituant, pour retarder le vieillissement et conserver une bonne mémoire. Pris en poudre, on peut également le consommer frais lorsqu’il est jeune. 
Des dérivés phénoliques, appelés erinacines et héricénones, extraits du mycélium déclenchent chez l’homme la synthèse du N.G.F. ou Neuronal Growth Factor. Ce facteur de croissance est essentiel aux cellules nerveuses et rétiniennes. Le N.G.F. apparaît en effet de plus en plus comme le facteur de régénérescence des neurones, et en particulier des neurones de l’hippocampe, cette partie charnière du cerveau pour la mémorisation.

Zoltan Babos cultive pour le projet des souches d'héricium, qui seront dégustés lors de l'exposition de fin de résidence.
Des casques fabriqués en osier recevront cette culture vivante, et seront sonorisés avec des micro contact. Le visiteur pourra se mettre sous le casque, effleurer ces champignons à la forme particulière et entendre en direct le son de la texture sous ses doigts.
D'autres casque sont réalisés en biomatériau issu de la paille de rebus de culture, reprenant la forme de l'héricium, ils diffuseront Branches de John Cage

Un film, réalisé par Marc Plas, sera diffusé pour complèter les écoutes par des images de champignons qui se trouvent dans différents films de fiction.

La maison composer